Les femmes ont toujours joué un rôle moteur dans les communautés en tant que guérisseuses traditionnelles, gardiennes de recettes médicinales, aidantes et accoucheuses. Dans de nombreuses sociétés traditionnelles, elles continuent de l’occuper. Mais avec la professionnalisation de la médecine, elles ont eu du mal à préserver cette place, ce qui explique en partie pourquoi, aujourd’hui, même si elles représentent 70% des agents de santé et des travailleurs sociaux, elles sont cantonnées à des fonctions subalternes moins bien rémunérées.
Cette Journée internationale de la couverture sanitaire universelle (CSU) est la première organisée depuis la Réunion de haut niveau des Nations Unies sur la CSU, à laquelle les chefs d’État et de gouvernement se sont fermement engagés à instaurer la CSU. Or, l’une des grandes promesses faite à cette occasion était de combattre les inégalités entre les sexes parmi les personnels de santé et les travailleurs sociaux, qui pénalisent les femmes et les empêchent d’accéder à des postes de direction. Les chefs d’État et de gouvernement sont tous convenus que cela devait changer. Et cela doit changer pour trois raisons majeures:
Premièrement, nous avons le devoir moral de prendre soin de ceux qui s’occupent de nous quand nous sommes le plus vulnérables. Le fait qu’en l’échange de ce qu’elles font pour nous, les agents de santé de sexe féminin puissent bénéficier de conditions de travail décentes leur permettant de se concentrer sur leur travail sans craindre la violence ni le harcèlement, est un contrat social raisonnable. Elles ont le droit d’être rémunérées, évidemment, et, à travail égal, d’être payées comme les hommes. Pourtant, la moitié des US $3 milliards que représente la contribution des femmes du secteur de la santé au produit intérieur brut prend la forme d’un travail non rémunéré. Des systèmes de santé solides ne peuvent reposer sur les fondements fragiles et inéquitables que représente le travail non rémunéré des femmes et des jeunes filles. En reconnaissant le travail des femmes dans le secteur sanitaire et social, et en les rémunérant de manière juste, nous pourrons bâtir des systèmes de santé plus solides pour tous.
Deuxièmement, 18 millions de nouveaux emplois dans le secteur sanitaire et social, principalement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, doivent être créés pour pouvoir instaurer la CSU. Et cela alors même qu’il faudrait, d’après les prévisions, 40 millions d’agents de santé supplémentaires d’ici à 2030. Compte tenu des évolutions démographiques et de l’augmentation de l’espérance de vie, le secteur de la santé s’affirme comme l’un des secteurs économiques qui connaît la plus forte croissance au niveau mondial et l’offre ne suit pas la demande. Il serait tragique d’avoir un engagement en faveur de la CSU au plus haut niveau politique et de ne pouvoir le réaliser par manque d’agents de santé pour dispenser les soins. Dans la plupart des pays, les femmes n’ont jamais été aussi nombreuses à étudier la médecine et à accéder à des emplois dans le secteur de la santé, et cette tendance semble appelée à se poursuivre. Nous devons supprimer les obstacles à l’entrée et à l’évolution professionnelle et encourager les femmes à embrasser durablement ces carrières. Si nous leur donnons les moyens d’y parvenir, elles occuperont la majorité des emplois d’agents de santé et mettront en place la CSU.
Pour parvenir à la CSU, il faut changer la réalité actuelle: des services dispensés par des femmes dans un secteur dirigé par des hommes. Quand, à l’échelle du secteur mondial de la santé, les hommes occupent 75% des postes de direction, les systèmes de santé ne tirent pas parti de tous les talents. Nos résultats sanitaires sont inférieurs à ce qu’ils pourraient être car nous ne prenons pas en compte le point de vue des femmes dans la conception et la prestation des soins, alors que ce sont elles qui assurent le fonctionnement des systèmes de santé. Pour que la CSU bénéficie à tous, il faut bénéficier de différentes perspectives. Il faut que la diversité des populations que nous servons se reflète au niveau des postes de direction. Il faut des femmes à la tête systèmes de santé, et il faut qu’elles aient une voix égale pour contribuer à les façonner.
La Réunion de haut niveau sur la CSU de septembre 2019 a marqué une étape importante dans un processus qui s’étale sur plusieurs décennies et dont le point d’orgue est 2030, date à laquelle doit être atteint l’objectif de développement durable correspondant. Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Bien au contraire. Nous concevons cette Déclaration comme la feuille de route de haut niveau dont nous avons besoin sur le chemin difficile qu’il nous reste à parcourir vers la CSU.
Dans cette perspective, l’OMS a désigné 2020 Année des sages-femmes et du personnel infirmier afin de reconnaître la contribution décisive apportée par la principale catégorie de personnels de santé, dans laquelle les postes sont occupés à 80% par des femmes. L’Année des sages-femmes et du personnel infirmier ne se contentera pas de célébrer le travail de ces agents de santé, même s’il mérite d’être reconnu à sa juste valeur. Elle sera aussi l’occasion de mettre en exergue la place centrale qu’occupent les femmes dans le domaine des soins infirmiers et obstétricaux, et le rôle moteur qui revient à ces personnels dans les communautés jusqu’au niveau mondial.
Je suis déterminé à ce que nous respections la promesse faite dans la Déclaration politique sur la CSU de corriger les inégalités dont souffrent les femmes qui travaillent dans le secteur de la santé. Nous la tiendrons car c’est ce qui est juste pour elles, mais aussi car cela profitera aux systèmes de santé et à la CSU.