Châtiments corporels et santé

23 novembre 2021

 

L’essentiel

  • Les châtiments corporels des enfants sont très répandus dans le monde, au sein du foyer comme dans les établissements scolaires. À l’échelle mondiale, on estime que 1,2 milliard d’enfants âgés de 0 à 18 ans sont soumis chaque année à des châtiments corporels au sein du foyer.
  • Dans certains pays, presque tous les élèves déclarent avoir subi des châtiments corporels de la part du personnel scolaire. Le risque de subir des châtiments corporels est le même pour les garçons et les filles, qu’ils ou elles soient issus de ménages riches ou pauvres.
  • Les données montrent que les châtiments corporels nuisent à la santé physique et mentale des enfants, aggravent les problèmes de comportement au fil du temps et n’ont aucun effet positif.
  • Tous les châtiments corporels, aussi modérés ou légers soient-ils, comportent un risque intrinsèque de dérapage. Des études semblent indiquer que chez les parents qui ont eu recours à des châtiments corporels, le risque d’infliger de mauvais traitements graves est plus élevé.
  • Les châtiments corporels sont corrélés à toute une série de conséquences négatives pour les enfants, quels que soient le pays et la culture, notamment des problèmes de santé physique et mentale, une altération du développement cognitif et socioéconomique, de mauvais résultats scolaires, une agressivité accrue et le recours à la violence.
  • Les châtiments corporels constituent une violation du droit de l’enfant au respect de son intégrité physique et de sa dignité humaine, de son droit à la santé, au développement, à l’éducation et de son droit d’être à l’abri de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
  • L’élimination de la violence contre les enfants est inscrite dans plusieurs objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030, mais plus explicitement dans la cible 16.2 : « mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants ».
  • Les châtiments corporels et les préjudices qui y sont associés peuvent être évités grâce à des approches multisectorielles et multidimensionnelles, y compris la réforme de la législation, la modification des normes néfastes en matière d’éducation et de punition des enfants, le soutien aux parents et aux personnes à qui sont confiés les enfants, et les programmes scolaires.

Généralités

Les châtiments physiques ou corporels sont définis par le Comité des droits de l’enfant de l’Organisation Nations Unies, qui supervise la Convention relative aux droits de l’enfant, comme « tous châtiments impliquant l’usage de la force physique et visant à infliger un certain degré de douleur ou de désagrément, aussi léger soit-il ».

Selon le Comité, la plupart de ces châtiments donnent lieu à l’administration d’un coup (« tape », « gifle », « fessée ») à un enfant, avec la main ou à l’aide d’un instrument − fouet, baguette, ceinture, chaussure, cuillère en bois, etc. Ce type de châtiment peut aussi consister à, par exemple, donner un coup de pied, secouer ou projeter un enfant, le griffer, le pincer, le mordre, lui tirer les cheveux, lui tirer les oreilles ou bien encore à forcer un enfant à demeurer dans une position inconfortable, à lui infliger une brûlure, à l’ébouillanter ou à le forcer à ingérer quelque chose.

D’autres formes de châtiments non physiques sont également cruelles et dégradantes, et donc aussi incompatibles avec la Convention, et souvent elles accompagnent les châtiments corporels ou s’ajoutent à ceux-ci. Il s’agit, par exemple, des châtiments tendant à rabaisser, humilier, dénigrer, prendre pour bouc émissaire, menacer, effrayer ou ridiculiser l’enfant.

Ampleur du problème

L’UNICEF estime qu’à l’échelle mondiale, 1,2 milliard d’enfants âgés de 0 à 18 ans sont soumis chaque année à des châtiments corporels au sein du foyer. Dans les 58 pays où la gravité des châtiments corporels a été ventilée, environ 17 % des enfants ont subi des châtiments corporels sévères – tels que des coups à la tête, au visage ou aux oreilles ou des coups violents et répétés – au cours du mois écoulé. Les grandes variations entre les pays et les régions et dans le temps montrent que la prévention est possible.

À l’exception de certains pays où les taux sont plus élevés chez les garçons, les résultats issus d’enquêtes comparables indiquent que la prévalence des châtiments corporels est la même pour les filles et les garçons. Les jeunes enfants (âgés de 2 à 4 ans) sont aussi susceptibles, et dans certains pays le sont davantage, que les enfants plus âgés (âgés de 5 à 14 ans) d’être exposés à des châtiments corporels, y compris des formes sévères.

La plupart des enfants sont exposés à des moyens de punition physiques et psychologiques. De nombreux parents et aidants déclarent utiliser des mesures de discipline non violente (en expliquant pourquoi le comportement de l’enfant n’était pas correct, le privant de certains avantages, par exemple), mais celles-ci sont généralement associées à des méthodes violentes. Les enfants qui ne subissent que des formes non violentes de discipline sont minoritaires.

Un enfant sur deux âgé de 6 à 17 ans (soit 732 millions d’enfants) vit dans des pays où les châtiments corporels ne sont pas totalement interdits dans les établissements scolaires. Des études ont montré que la prévalence au cours de la vie des châtiments corporels en milieu scolaire était supérieure à 70 % en Afrique et en Amérique centrale, que la prévalence au cours de l’année précédente était supérieure à 60 % dans les Régions OMS de la Méditerranée orientale et de l’Asie du Sud-Est, et que la prévalence au cours de la semaine précédente était supérieure à 40 % en Afrique et en Asie du Sud-Est. Des taux plus faibles ont été observés dans la Région OMS du Pacifique occidental, avec une prévalence au cours de la vie et de l’année précédente d’environ 25 %. Les châtiments corporels semblaient être très répandus tant au niveau primaire que secondaire.

Conséquences

Les châtiments corporels provoquent des réactions psychologiques et physiologiques néfastes. Les enfants éprouvent non seulement de la douleur, de la tristesse, de la peur, de la colère, de la honte et de la culpabilité, mais le fait de se sentir menacé conduit également à un stress physiologique et à l’activation de voies neuronales qui aident à faire face au danger. Les enfants qui ont subi des châtiments corporels ont tendance à présenter une réactivité hormonale élevée au stress, une surcharge des systèmes biologiques, qu’il s’agisse des systèmes nerveux, cardiovasculaire ou nutritionnel, et des changements dans la structure et le fonctionnement du cerveau.

Bien qu’elle soit largement considérée comme acceptable, la fessée est également associée, au même titre que des formes plus sévères de maltraitance, à une altération de la fonction cérébrale, une constatation qui contredit l’argument fréquemment avancé selon lequel les formes moins sévères de châtiment corporel ne sont pas nocives.

Un important corpus de travaux de recherche atteste des liens entre les châtiments corporels et un large éventail de conséquences négatives, à la fois dans l’immédiat et à long terme :

  • des dommages physiques directs, entraînant parfois des lésions graves, des incapacités à long terme ou la mort ;
  • des problèmes de santé mentale, parmi lesquels des troubles du comportement et des troubles anxieux, la dépression, le désespoir, la faible estime de soi, l’automutilation et les tentatives de suicide, la dépendance à l’alcool et aux drogues, l’agressivité et l’instabilité émotionnelle, qui se poursuivent à l’âge adulte ;
  • l’altération du développement cognitif et socio-émotionnel, en particulier de la régulation des émotions et de l’aptitude à résoudre les conflits ;
  • des conséquences négatives dans le domaine de l’éducation, notamment le décrochage scolaire, de moins bons résultats scolaires et une moindre réussite professionnelle ;
  • une difficile intériorisation morale et un risque accru de comportement asocial ;
  • une augmentation de l’agressivité chez l’enfant ;
  • des comportements violents, antisociaux et délictueux à l’âge adulte ;
  • des dommages physiques indirects dus à des systèmes biologiques surchargés, y compris la survenue de cancers, les problèmes liés à l’alcool, la migraine, les maladies cardiovasculaires, l’arthrite et l’obésité, qui se poursuivent à l’âge adulte ;
  • une plus grande acceptation d’autres formes de violence et le recours accru à celles-ci ; et
  • des relations familiales altérées.

Il existe des preuves d’une relation dose-effet, des études ayant révélé que le lien avec l’agressivité des enfants et de moins bons résultats en mathématiques et en lecture devenait de plus en plus manifeste à mesure que la fréquence des châtiments corporels augmentait.

Facteurs de risque

Des facteurs de risque de châtiments corporels ont été identifiés au niveau individuel, familial, communautaire et sociétal.

Au niveau individuel, les enfants handicapés courent beaucoup plus de risques que les autres de subir

des châtiments corporels.

Au niveau familial, les principaux facteurs de risque tiennent au fait que les parents aient subi eux-mêmes.

des châtiments corporels dans l’enfance ou souffrent de problèmes de santé mentale tels que la dépression, l’alcoolisme ou la toxicomanie.

Au niveau communautaire et sociétal, la pauvreté, le racisme et la discrimination fondée sur la classe sociale augmentent le risque de châtiments corporels.

Prévention et action

Les châtiments corporels et les préjudices qui y sont associés peuvent être évités grâce à des approches multisectorielles et multidimensionnelles, y compris la réforme de la législation, la modification des normes néfastes en matière d’éducation et de punition des enfants, le soutien aux parents et aux personnes à qui sont confiés les enfants, et les programmes scolaires.

Après l’adoption de lois interdisant les châtiments corporels, la prévalence baisse dans certains pays, tandis que dans d’autres elle augmente ou ne change pas. Dans les pays où il n’y a pas d’interdiction, la prévalence peut diminuer ou augmenter.

Le fait que l’on ait toujours recours aux châtiments corporels et qu’on croie encore à leur nécessité dans certains pays malgré les lois qui les interdisent montre que les efforts visant à promulguer et à appliquer ces lois devraient s’accompagner d’interventions reposant sur une approche socio-écologique plus large conçue pour influer sur les facteurs de risque des châtiments corporels envers les enfants au niveau individuel, relationnel, communautaire et sociétal.

L’ensemble technique INSPIRE présente plusieurs interventions efficaces et prometteuses, par exemple :

  • La mise en œuvre et le respect des lois interdisant les châtiments corporels. Ces lois garantissent que les enfants sont protégés comme les adultes par la législation sur les agressions et elles remplissent une fonction éducative plutôt que punitive, visant à accroître la sensibilisation, à changer les attitudes pour promouvoir l’éducation non violente des enfants, et à clarifier les responsabilités des parents dans leur rôle consistant à prendre soin de l’enfant.
  • Les programmes portant sur les normes et les valeurs visant à transformer les normes sociales néfastes concernant l’éducation de l’enfant et la discipline qui lui est imposée.
  • Le soutien des parents et des personnes auxquelles l’enfant est confié par le biais de séances d’information et de renforcement des compétences afin de favoriser une relation épanouissante et attentive, non-violente, entre ceux-ci et l’enfant.
  • Les interventions en matière d’éducation et de compétences de la vie courante pour créer un climat scolaire positif et un environnement sans violence, et renforcer les relations entre les élèves, les enseignants et les administrateurs.
  • Les services d’intervention et de soutien pour la détection précoce et la prise en charge des enfants victimes et des familles afin d’aider à éviter la réapparition de la violence dans la discipline et à en atténuer les conséquences.

Plus les interventions auront lieu tôt dans la vie de l’enfant, plus elles seront bénéfiques pour l’enfant (développement cognitif, compétences comportementales et sociales, niveau d’éducation atteint, par exemple) et pour la société (diminution de la délinquance et de la criminalité, par exemple).

Action de l’OMS

L’OMS lutte contre les châtiments corporels en utilisant diverses méthodes transversales. En collaboration avec ses partenaires, l’OMS fournit des orientations et un soutien technique pour favoriser la prévention et l’action fondées sur des données probantes. Les activités relatives à plusieurs stratégies faisant partie de l’ensemble technique INSPIRE, notamment celles sur la législation, les normes et les valeurs, la parentalité et la prévention de la violence en milieu scolaire, contribuent à prévenir les châtiments corporels. L’OMS préconise également un soutien et des investissements internationaux accrus en faveur de ces efforts de prévention et d’intervention fondés sur des bases factuelles.

Lien connexe

Corporal punishment of children: the public health impact.