Dr Derciliano Cruz, FIOCRUZ
Spécimen de Culicoïdes, taille adulte : 3 mm maximum.
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Maladie à virus Oropouche

22 octobre 2024

L’essentiel

  • La maladie à virus Oropouche (également connue sous le nom de fièvre Oropouche) est une maladie fébrile causée par le virus Oropouche, qui se transmet à l’être humain par les piqûres de moucherons piqueurs infectés, et peut-être de certains moustiques ; les personnes atteintes se remettent généralement rapidement.
  • Le virus Oropouche est présent principalement en Amérique du Sud et dans les Caraïbes, mais depuis décembre 2023, d’autres cas ont été signalés, pour un total de plus de 10 000 cas en 2024, y compris dans des zones de la Région où il n’avait pas été détecté auparavant.
  • Les symptômes de la maladie à virus Oropouche sont similaires à ceux d’autres maladies, telles que la dengue et le chikungunya, et la cause de l’infection est souvent mal diagnostiquée.
  • En 2024, les éventuelles complications de l’infection à virus Oropouche sont devenues source d’inquiétudes : deux décès sont survenus chez des adultes infectés auparavant en bonne santé, et l’association possible entre l’infection durant la grossesse et une issue négative telle que mort fœtale, fausse couche ou microcéphalie chez le nouveau-né, nécessite des investigations et des recherches supplémentaires.
  • Il n’existe aucun traitement ou vaccin spécifique contre la maladie à virus Oropouche, et les patients et patientes doivent bénéficier de soins de soutien.
  • Les infections peuvent être évitées principalement par la lutte antivectorielle et des mesures de protection individuelle contre les piqûres d’insectes, notamment l’utilisation de moustiquaires, d’insecticides chimiques, de vêtements de protection et de répulsifs.

Vue d’ensemble

La maladie à virus Oropouche est causée par le virus Oropouche (OROV) qui peut provoquer de la fièvre, des maux de tête, des douleurs articulaires, des douleurs musculaires, des frissons, des nausées, des vomissements et des éruptions cutanées. La plupart des gens se rétablissent d’eux-mêmes, mais la maladie peut provoquer des symptômes graves chez certaines personnes atteintes.

Le virus Oropouche est un virus à ARN simple brin segmenté appartenant à la famille des Peribunyaviridae, genre Orthobunyavirus, qui a été identifié pour la première fois en 1955 à Vega de Oropouche (Trinité-et-Tobago) (1).

Le virus est transmis à l’être humain par la piqûre d’un insecte infecté, généralement des moucherons piqueurs, mais aussi éventuellement par des moustiques. Il s’agit donc d’un arbovirus, un virus transmis par des arthropodes. Avant la fin de 2023, les cas signalés de maladie à virus Oropouche étaient limités à l’Amérique du Sud, principalement à proximité de la forêt amazonienne, et aux Caraïbes. Cependant, depuis décembre 2023, des cas ont été détectés dans d’autres zones et ils sont plus graves. En 2024, les informations disponibles font état d’épidémies dans des zones non endémiques, de deux cas mortels pour lesquels l’infection a été confirmée et de la possibilité que les mères transmettent la maladie à leurs bébés pendant la grossesse.

Répartition géographique et flambées épidémiques

La maladie à virus Oropouche était la deuxième maladie arbovirale la plus fréquente en Amérique du Sud (après la dengue) avant l’émergence des virus Chikungunya et Zika en 2013 et 2015.

Avant la fin de 2023, des cas de maladie à virus Oropouche ont été signalés au Brésil, en Bolivie, en Colombie, en Équateur, en Haïti, au Panama, au Pérou, à Trinité-et-Tobago, en Guyane française et au Venezuela, à proximité de la forêt amazonienne pour la plupart. Cependant, depuis décembre 2023, on a constaté une augmentation du nombre de cas signalés, y compris dans des zones où la transmission n’avait pas été établie auparavant.

En 2024, des cas de maladie à virus Oropouche transmis localement ont été signalés dans sept pays d’Amérique latine et des Caraïbes : Brésil, Bolivie, Colombie, Cuba, Guyana, Pérou et République dominicaine (2–5). De plus, des cas de maladie à virus Oropouche ont été notifiés aux États-Unis, au Canada, en Espagne, en Italie et en Allemagne chez des voyageurs revenant de pays où la transmission locale était présente (6,7).

Transmission

Le virus Oropouche est principalement transmis à l’être humain par la piqûre de moucherons Culicoides paraensis. Les moustiques Culex quinquefasciatus, Coquillettidia venezuelensis et Aedes serratus peuvent également agir comme vecteurs (8). On pense que le virus circule à la fois selon un cycle selvatique dans les zones forestières, et selon un cycle épidémique urbain entre les insectes et les humains. Dans le cycle selvatique, les primates non humains, les paresseux et peut-être les oiseaux servent d’hôtes vertébrés, bien que l’arthropode vecteur n’ait pas été précisément identifié.

De nouvelles études sont en cours pour mieux comprendre les insectes vecteurs et les cycles de transmission dans les épidémies actuelles.

Auparavant, aucune transmission interhumaine n’avait été confirmée. Cependant, au Brésil, en 2024, des cas de possible transmission de l’infection par le virus Oropouche au fœtus par des mères infectées pendant la grossesse ont été signalés.

Symptômes

La période d’incubation (le temps entre la piqûre d’un insecte infecté et les premiers symptômes) du virus Oropouche est généralement de 3 à 10 jours. Les symptômes de la maladie sont notamment la fièvre, les maux de tête, les douleurs articulaires (arthralgie), les douleurs musculaires (myalgie), les frissons, les nausées, les vomissements et les éruptions cutanées.

Dans la plupart des cas, les malades se rétablissent complètement dans les 7 jours suivant l’apparition des symptômes. Cependant, la convalescence peut prendre des semaines chez certains patients ou patientes, et des complications graves comme la méningite aseptique peuvent parfois survenir. Alors qu’aucun décès dû à l’infection par le virus Oropouche n’avait été décrit auparavant, en 2024, deux décès ont été signalés chez de jeunes adultes auparavant en bonne santé atteints de l’infection.

Diagnostic

Étant donné la présentation clinique similaire à celle d’autres infections par un arbovirus comme la dengue et le chikungunya, la maladie à virus Oropouche est souvent méconnue ou mal diagnostiquée.

Le diagnostic de la maladie à virus Oropouche est posé par amplification en chaîne par polymérase après transcription inverse (RT-PCR) et RT-PCR en temps réel (9). Les tests sérologiques peuvent être utilisés pour faciliter le diagnostic ; ils doivent toutefois être menés par du personnel hautement qualifié et dans des laboratoires équipés d’installations de confinement appropriées. Il n’existe pas de tests diagnostiques commerciaux ou rapides basés sur des antigènes ou des immunodosages (ELISA, immunochromatographie, par exemple).

Traitement

Il n’existe pas de traitement spécifique de l’infection ou de la maladie à virus Oropouche. Le traitement est principalement un traitement de soutien et vise le soulagement des symptômes.

Complications

Les complications de la maladie à virus Oropouche sont encore peu comprises. Parfois, une méningite aseptique peut survenir.

Récemment, des rapports en provenance du Brésil ont fait état de cinq cas de transmission possible du virus Oropouche pendant la grossesse (quatre mortinaissances et une fausse couche spontanée) ainsi que de quatre cas de nouveau-nés atteints de microcéphalie détectés par des investigations rétrospectives. Malgré la détection de l’ARN viral par amplification en chaîne par polymérase après transcription inverse (RT-PCR) dans les tissus fœtaux, on ne peut pas conclure que l’infection OROV était la cause de la mort fœtale, et les enquêtes sont toujours en cours.

Prévention et lutte

Il n’existe pas de vaccin contre la maladie à virus Oropouche. La lutte antivectorielle et les mesures de protection individuelle sont essentielles pour réduire la propagation du virus.

Les moustiquaires standard sont moins efficaces contre les moucherons piqueurs, car en raison de leur petite taille, ces insectes peuvent passer à travers les mailles de la moustiquaire. En revanche, l’efficacité des moustiquaires à mailles fines et des insecticides chimiques utilisés en pulvérisation rémanente sur les murs intérieurs et extérieurs des locaux infestés est réelle.

Des mesures de protection individuelle, telles que le port de vêtements de protection et l’utilisation de répulsifs contenant du DEET, de l’IR3535 ou de l’icaridine, sont recommandées pour minimiser le risque d’infection. 

Action de l’OMS

En collaboration avec les États Membres de l’OMS, l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) — le Bureau régional de l’Organisation mondiale de la Santé pour les Amériques — surveille activement la situation épidémiologique de la maladie à virus Oropouche.

L’OPS a réalisé une évaluation rapide des risques (ERR) qui a révélé un risque régional élevé en raison de l’augmentation du nombre de cas, de leur expansion dans de nouvelles zones, des cas mortels récemment signalés, et du risque possible de transmission verticale (10). Les États Membres de l’OMS ont été alertés par l’OPS et des recommandations en matière de diagnostic et de prise en charge clinique, de diagnostic et de surveillance en laboratoire, de prévention de la maladie à virus Oropouche et de lutte contre celle-ci leur ont été transmises.

Pour en savoir plus sur l’action de l’OPS


Références bibliographiques

  1. Wesselmann KM, Postigo-Hidalgo I, Pezzi L, de Oliveira-Filho EF, Fischer C, de Lamballerie X, et al. Emergence of Oropouche fever in Latin America: a narrative review. The Lancet Infectious Diseases. 2024 Jul 1;24(7):e439–52, https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(23)00740-5/abstract
  2. Organisation panaméricaine de la Santé/Organisation mondiale de la Santé. Epidemiological Update Oropouche in the Americas Region - 15 October 2024. Washington, D.C. : PAHO/WHO; 2024.
  3. Organisation panaméricaine de la Santé/Organisation mondiale de la Santé. Epidemiological Update Oropouche in the Americas Region - 6 September 2024. Washington, D.C. : OPS/OMS ; 2024.
  4. Organisation panaméricaine de la Santé/Organisation mondiale de la Santé. Epidemiological Alert: Oropouche in the Region of the Americas, 1 August 2024. Washington, D.C. : OPS/OMS ; 2024.
  5. Organisation panaméricaine de la Santé/Organisation mondiale de la Santé. Epidemiological Alert: Oropouche in the Region of the Americas, 2 February 2024. Washington, D.C. : OPS/OMS ; 2024.
  6. Morrison A, White JL, Hughes HR, Guagliardo SJ, Velez JO, Fitzpatrick KA, et al. Oropouche Virus Disease Among U.S. Travelers – United States, 2024. MMWR Morb Mortal Wkly Rep [Internet]. 2024 Aug 27 [cited 2024 Aug 30];73(35), http://www.cdc.gov/mmwr/volumes/73/wr/mm7335e1.htm?s_cid=mm7335e1_w
  7. Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Threat assessment brief: Oropouche virus disease cases imported to the European Union. Stockholm : ECDC; 2024, https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/threat-assessment-brief-oropouche-virus-disease-cases-imported-european-union
  8. De Mendonça SF, Rocha MN, Ferreira FV, Leite THJF, Amadou SCG, Sucupira PHF, Marques JT, Ferreira AGA, Moreira LA. Evaluation of Aedes aegypti, Aedes albopictus, and Culex quinquefasciatus Mosquitoes Competence to Oropouche virus Infection. Viruses. 2021; 13(5):755. https://doi.org/10.3390/v13050755
  9. Organisation panaméricaine de la Santé/Organisation mondiale de la Santé. Guidelines for the Detection and Surveillance of Emerging arboviruses in the Context of the Circulation of Other Arboviruses. Washington, D.C. : OPS/OMS ; 2024. Disponible à l’adresse : https://www.paho.org/en/documents/guidelines-detection-and-surveillance-emerging-arboviruses-context-circulation-other.
  10. Organisation panaméricaine de la Santé/Organisation mondiale de la Santé. Public Health Risk Assessment related to Oropouche Virus (OROV) in the Region of the Americas. Washington, D.C. : OPS/OMS ; 2024, https://www.paho.org/en/documents/public-health-risk-assessment-related-oropouche-virus-orov-region-americas-3-august-2024