Phosphore blanc

15 janvier 2024

Principaux faits

  • Le phosphore blanc est une substance chimique solide cireuse d’apparence généralement jaunâtre ou incolore, dont l’odeur est décrite par certaines personnes comme ressemblant à celle de l’ail.
  • Il s’enflamme instantanément au contact de l’oxygène. Les militaires l’utilisent souvent pour éclairer les champs de bataille ou pour générer un écran de fumée et comme agent incendiaire.
  • Une fois enflammé, le phosphore blanc est très difficile à éteindre. Il adhère aux surfaces, notamment la peau et les vêtements.
  • Quelle que soit la voie d’exposition, le phosphore blanc est nocif pour l’être humain. La fumée de la combustion du phosphore est nocive en particulier pour les yeux et les voies respiratoires en raison de la présence d’acides phosphoriques et de phosphine.
  • Le phosphore blanc peut provoquer des brûlures profondes et graves, susceptibles de traverser les os. Après l’exposition, la priorité est d’arrêter le processus de combustion. Il faut prendre des précautions pour éviter l’exposition secondaire du personnel médical prenant en charge des victimes de brûlures au phosphore blanc. Le phosphore blanc peut se rallumer pendant ou après le traitement initial en entrant en contact avec l’oxygène. Il faut utiliser de l’eau propre ou du sérum physiologique tout au long du processus.

 

Vue d’ensemble

Le phosphore blanc (parfois appelé phosphore jaune) est un solide cireux de couleur blanche à jaune et ayant une odeur d’ail. Il s’enflamme spontanément à l’air à des températures supérieures à 30 °C et continue à brûler jusqu’à oxydation complète ou jusqu’à ce qu’il soit privé d’oxygène. La combustion du phosphore produit une fumée dense, blanche et irritante contenant divers oxydes de phosphore.

Le phosphore blanc est utilisé à des fins militaires dans les grenades et les obus d’artillerie pour éclairer, pour générer un écran de fumée et comme agent incendiaire. Dans l’industrie, il sert principalement à produire de l’acide phosphorique, des phosphates et d’autres composés. Les phosphates sont utilisés dans la fabrication de toute une série de produits, notamment des engrais et des détergents. Le phosphore a été utilisé comme rodenticide et dans les feux d’artifice.

Effets de l’exposition

Quelle que soit la voie d’exposition, le phosphore blanc est nocif pour l’être humain. Son absorption en quantités toxiques peut se faire par ingestion ou par exposition de la peau ou des muqueuses. La fumée de la combustion du phosphore est nocive pour les yeux et les voies respiratoires, car les oxydes de phosphore se dissolvent avec l’humidité pour former des acides phosphoriques. Les effets systémiques peuvent mettre jusqu’à 24 heures pour apparaître après l’exposition. Dans les cas graves d’exposition, les effets systémiques retardés peuvent inclure des troubles cardiovasculaires et une perte de connaissance, ainsi que des lésions rénales et hépatiques, une altération du niveau de conscience et un coma. Un choc, une insuffisance hépatique ou rénale, une atteinte du système nerveux central ou des lésions du myocarde peuvent ainsi entraîner la mort.

  • Exposition cutanée : L’exposition au phosphore blanc peut entraîner des brûlures profondes. Elles sont extrêmement douloureuses et résultent de lésions à la fois thermiques et chimiques. Les zones touchées de la peau exposée peuvent avoir une apparence jaunâtre et présenter des brûlures nécrotiques du troisième degré entourées de tissus détachés. 

    Le phosphore blanc est très soluble dans les lipides, de sorte qu’il peut pénétrer dans les tissus sous-jacents, ce qui entraîne des brûlures profondes qui sont lentes à cicatriser.

    Il faut prendre des précautions pour éviter la que les particules de phosphore blanc restant dans les tissus lésés se rallument et que de la fumée sorte de la plaie.

    Les particules de phosphore blanc qui ont pénétré dans la peau, par exemple sur des éclats d’obus, peuvent commencer à brûler lorsque la plaie est ouverte et exposée à l’air. On peut alors voir de la fumée jaunâtre, grise ou blanche provenant de la plaie du fait de la combustion du phosphore. Les fumées sont irritantes et peuvent avoir une odeur d’ail.

    Le phosphore blanc peut être absorbé depuis la surface de la brûlure et entraîner une toxicité systémique, en particulier des altérations de l’ECG, comme indiqué ci-dessus.

  • Yeux : Les particules de phosphore blanc peuvent provoquer des brûlures et des perforations de la cornée. L’exposition à la fumée émanant de la combustion du phosphore peut provoquer une irritation de l’œil, un blépharospasme, une photophobie, un larmoiement et une conjonctivite.

  • Inhalation : La fumée émanant de la combustion du phosphore peut provoquer une irritation des voies respiratoires supérieures, de la toux, des maux de tête et un œdème pulmonaire d’apparition tardive.

Prise en charge de l’exposition

Après l’exposition, la priorité est d’arrêter le processus de combustion. Les soignants doivent être conscients du risque et doivent avoir immédiatement accès à de l’eau propre ou à du sérum physiologique avant de commencer le traitement. Suivre les orientations ci-après pour soigner une personne qui a été exposée au phosphore blanc :

  • Il faut veiller à ne pas exposer d’autres personnes au moment d’éliminer les particules de phosphore. Dans la mesure où le phosphore blanc peut s’enflammer spontanément, il faut veiller à éviter de l’exposer à toute source de départ de feu, notamment une flamme nue, des équipements électriques ou des produits utilisés pour fumer du tabac.
  • Extraire le patient de la zone d’exposition, puis retirer précautionneusement ses vêtements et ses effets personnels. Ne pas oublier que les vêtements contaminés peuvent s’enflammer ou se rallumer, de sorte que les objets contaminés doivent être placés dans un contenant refermable rempli d’eau et clairement étiqueté comme étant dangereux. Rincer et irriguer la peau à l’eau froide et maintenir les zones exposées humides pour éviter un départ de feu, par exemple en les couvrant avec des chiffons humides, pendant le transport vers l’unité de traitement.
    • La peau et les plaies exposées doivent être irriguées (rincées) en continu avec du sérum physiologique ou de l’eau froids, ou immergées dans l’eau, pendant que les particules de phosphore sont éliminées. L’irrigation des zones touchées peut arrêter la combustion, abaisser la température des zones brûlées et diluer l’acide phosphorique qui aurait pu se former dans la plaie. Il est important d’utiliser de l’eau froide plutôt que chaude. Dans l’eau chaude, le phosphore risque d’atteindre plus facilement la température d’auto-inflammation. De plus, il pourrait fondre et être ainsi moins visible. Il convient de prendre des précautions pour éviter de contaminer la peau non exposée.
    • Retirer les fragments de phosphore blanc fondu uniquement avec des pinces, jamais avec les mains, même avec des gants chirurgicaux.
    • Le phosphore éliminé doit être plongé dans de l’eau froide pour éviter qu’il s’enflamme. Les particules de phosphore blanc incrustées peuvent être difficiles à voir, mais il est possible de les visualiser en les plaçant sous une lumière ultraviolette.
    • La prise en charge ultérieure dépend de la gravité des brûlures et doit se faire selon les conseils d’un spécialiste des brûlures.
    • Si les yeux ont été exposés au phosphore blanc ou à la fumée provenant de son utilisation, irriguer d’abord l’œil avec beaucoup d’eau ou de sérum physiologique à 0,9 % pendant 10 à 15 minutes (ôter les éventuelles lentilles de contact si cela peut se faire facilement). L’utilisation d’un anesthésique local réduira le blépharospasme et facilitera l’irrigation, mais cette dernière ne doit pas être retardée si l’anesthésique n’est pas immédiatement disponible. Si des particules de phosphore sont présentes dans l’œil, retourner les paupières et retirer les particules tout en continuant à irriguer. Plonger les particules retirées dans l’eau dans un récipient. Effectuer un examen complet de la vue et consulter d’urgence un ophtalmologiste s’il y a des signes de lésion.

    Conventions et traités internationaux

    Le phosphore blanc n’est pas une arme chimique au sens de la Convention sur les armes chimiques (CIAC), car il agit comme un agent incendiaire et non « par son action chimique sur des processus biologiques » (article II.2 de la CIAC).

    L’utilisation du phosphore blanc peut être contraire au Protocole III (sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des armes incendiaires) de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) dans un cas précis : s’il est utilisé, intentionnellement, comme arme incendiaire directement contre des humains dans un cadre civil. D’autres utilisations du phosphore blanc, comme l’éclairage d’un champ de bataille, ne sont pas interdites. Pour établir qu’un usage du phosphore blanc est illégal au regard de la Convention sur certaines armes classiques, il faudrait mener une enquête sur l’intention qui sous-tendait cet usage, ce qui dépasse le cadre du mandat de l’OMS.

    Action de l’OMS

    À la demande de l’État Membre touché, l’OMS fournit une assistance, y compris en mobilisant des équipes internationales d’experts pour prêter assistance sur place (article 13.3 du RSI (2005)).

    Le personnel de l’OMS peut être en mesure de déterminer que les victimes souffrent de brûlures, mais ne peuvent jamais identifier ni confirmer l’agent qui en est responsable – à savoir le phosphore blanc ou toute autre substance chimique incendiaire. Seul le personnel médical traitant directement la victime ou une autorité locale compétente pourra le faire.

    Les enquêtes sur un éventuel un usage illégal du phosphore blanc ne relèvent pas du mandat de l’OMS et nécessitent la participation des autorités nationales ou internationales compétentes.

     


    Bibliographie complémentaire