Coordination et collaboration pour le financement de la santé au Niger
La République du Niger est un pays enclavé d’Afrique de l’Ouest qui a connu des conflits armés et des périodes de sécheresse continue. Ces problèmes ont eu des effets négatifs sur le système de santé du pays, où les taux de mortalité maternelle et infantile sont parmi les plus élevés au monde. Cette situation a incité le Gouvernement du Niger à s’engager en faveur de la couverture sanitaire universelle (CSU), en s’appuyant sur les enseignements tirés des démarches antérieures visant à élargir l’accès aux services de santé essentiels.
En 2006, face aux pires résultats en matière de santé jamais enregistrés, le Gouvernement a lancé une politique ambitieuse de gratuité des soins qui visait à fournir gratuitement des services de santé
reproductive et de planification familiale aux femmes ainsi qu’un large éventail de services de santé aux enfants de moins de cinq ans. Malgré les premiers succès remportés dans le cadre de cette initiative,
les progrès réalisés en matière de santé ont été compromis par un financement insuffisant. En effet, la moitié seulement des ressources nécessaires à la mise en œuvre complète
avaient été mobilisées jusqu’en 2011. Au fil des ans, cela a conduit à un cumul de factures de soins impayées et a empêché les prestataires de soins de santé d’assurer des services.
En outre, comme cette initiative concernait uniquement les femmes et les enfants de moins de cinq ans, les autres usagers des services de santé ont dû supporter des frais très élevés. L’OMS estime que les dépenses
directes représentent plus de 40 % des dépenses de santé totales au Niger.
Dans l’ensemble, le Gouvernement du Niger a eu des difficultés à augmenter les ressources consacrées à la santé, les dépenses de santé passant de 5,4 % à 4,9 % du PIB entre 2007 et
2011. Entre 2016 et 2018, les dépenses de santé sont passées de 4,9 % à 5,6 % du PIB, puis ont stagné autour de 5,7 % entre 2018 et 2020.
Avant la mise en œuvre de la politique de gratuité des soins de santé, le Niger reconnaissait déjà l’importance de la coordination entre les partenaires financiers de la santé. En 2006, le Ministère de la santé, l’Agence française de développement (AFD) et la Banque mondiale ont créé le Fonds Commun Santé (FCS) pour aider à financer le plan de développement de la santé du Niger. En 2020, quatre partenaires internationaux supplémentaires participaient au financement : l’UNICEF, l’UNFPA, Gavi et l’Agence espagnole de la coopération internationale pour le développement (AECID). Les problèmes de financement associés à la politique de gratuité des soins de santé étaient dus à de mauvaises évaluations et à la fourniture des ressources insuffisantes, ce qui souligne la nécessité d’entreprendre des réformes pour assurer un financement durable de la CSU et d’autres cibles de l’ODD 3.
Maman câlinant son bébé, dans le village de Soki situé dans le centre du Niger. ©UNICEF/Dejongh
Réseau P4H et Plan d’action mondial pour la réalisation de l’ODD 3: une possibilité d’exploiter les mécanismes de collaboration existants pour un financement durable de la santé
Compte tenu de l’importance et de l’urgence d’instaurer la gratuité des soins de santé pour atteindre la CSU au Niger, le Gouvernement a entamé des réformes ambitieuses du système de financement de la santé, en partie car le financement externe de la santé était très fragmenté, ce qui a exigé de mieux coordonner et de mieux harmoniser l’action des organismes partenaires en matière de soutien au financement de la santé et d’assistance technique. Tirant les enseignements d’initiatives antérieures telles que le FCS, le pays s’est efforcé de mettre l’accent sur la coordination entre les partenaires de la santé, par exemple à l’aide de Providing for Health (P4H), le réseau mondial de financement de la santé et de protection sociale, actif au Niger depuis 2018. En 2021, les membres du réseau P4H et les organismes signataires du Plan d’action mondial pour permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous (Plan d’action mondial pour la réalisation de l’ODD 3) ont uni leurs forces pour recruter un point focal dans le pays afin de soutenir et de faciliter la coordination du financement de la santé et la recherche pragmatique avec le leadership et le soutien du Gouvernement.
Le processus de recrutement du point focal dans le pays, y compris la validation des objectifs communs et l’élaboration du mandat, a été facilité par Gavi en collaboration avec tous les partenaires financiers de la santé
au Niger. Le mandat de Gavi au niveau national en tant que « co-rapporteur » officiel des partenaires financiers de la santé a ensuite été repris par le point focal national de l’accélérateur
de financement pour le réseau P4H et le Plan d’action mondial en janvier 2022. Au sein du Ministère de la santé, le point focal est une interface essentielle avec les partenaires techniques et financiers. Il a
essentiellement pour rôle d’aider à coordonner le soutien des partenaires de la santé pour le financement et la réalisation des projets répondant aux priorités nationales en matière de santé,
et il permet ainsi au Ministère de la santé d’être « moins centré sur les organismes ». Le mécanisme de financement de ce nouveau poste, précédemment dirigé par l’OMS
avec le financement de l’AFD, a été transféré à la Banque mondiale, avec le soutien financier du Mécanisme de financement mondial, et des modalités de cofinancement prévisible du poste
sont à l’étude. Ces efforts contribuent à jeter les bases d’un soutien plus harmonisé et commun afin que le Niger puisse concrétiser sa vision ambitieuse de la CSU.
En quoi consiste le renforcement du système de financement de la santé au Niger ?
Avant 2020, la fragmentation des ressources entraînait « le financement insuffisant ou le financement excessif de nombreuses initiatives », rappelle Charlotte Pram Nielsen, spécialiste principale de la santé sexuelle et reproductive, des droits connexes et du genre au Mécanisme de financement mondial. Dans le cas du financement de la santé, les partenaires d’autres domaines n’avaient pas l’habitude de bien collaborer. Grâce au partenariat entre le réseau P4H et l’accélérateur du financement du Plan d’action mondial, de nombreux partenaires sont désormais enthousiastes et s’engagent à soutenir le Gouvernement pour le financement de la santé. Le partenariat permet « d’inscrire les discussions dans le cadre plus large des programmes de protection sociale et de réfléchir à l’élargissement des politiques d’espace budgétaire qui influent sur les résultats en matière de santé, tels que la protection sociale des femmes et des enfants », déclare Lou Tessier, spécialiste de la protection de la santé à l’OIT.
En 2020, les partenaires financiers de la santé ont soutenu prioritairement le Niger dans les domaines de la COVID-19, de la mobilisation des ressources nationales, de l’optimisation des ressources, de la coopération efficace au développement et des investissements transversaux. Le Gouvernement a défini les principales priorités suivantes en matière de soutien :
- Alignement du soutien budgétaire sur des indicateurs stratégiques et harmonisés des dépenses de santé.
- Réforme du FCS pour renforcer sa fongibilité et passer d’un outil de gestion à un système de financement.
- Mise en œuvre des achats stratégiques, avec l’appui pratique de l’Institut national d’assistance médicale (INAM).
- Amélioration de la prévisibilité des contributions des partenaires techniques et financiers et de la planification annuelle des activités.
Des objectifs précis ont été fixés pour que les objectifs relatifs à ces priorités soient atteints :
Harmonisation du financement :
- Recensement des donateurs, des flux et des canaux de financement de la santé et analyse critique de l’harmonisation du financement de la santé (avec le soutien du Mécanisme de financement mondial).
- Trajectoire et avenir du FCS (avec le soutien de l’OMS/P4H).
- Canaux de financement de l’argumentaire d’investissement (avec le soutien du Mécanisme de financement).
Harmonisation du soutien :
- Recensement et analyse critique de l’assistance technique pour le financement de la santé.
Système et outils de financement :
- Analyse des modes opératoires des stratégies de gratuité des soins de santé et d’assurance-maladie universelle (avec le soutien de l’OMS/P4H, de l’AFD et du FCS).
Outils d’efficacité et d’optimisation :
- Mise au point et déploiement d’un outil de calcul pour simuler les coûts de production et de financement des soins en périphérie (avec le soutien de l’AFD, du FCS et du Mécanisme de financement mondial).
- Recensement des stratégies d’amélioration et de réforme de la chaîne de soins de santé par le bas afin d’identifier et de diffuser les innovations peu coûteuses dans divers contextes (avec le soutien de l’AFD, du FCS et du Fonds mondial).
Mobilisation des ressources nationales et meilleure allocation des dépenses de santé :
- en se mettant en rapport avec le FMI pour la conception de ses programmes dans le but d’inclure les dépenses dans la liste des objectifs indicatifs, dans des domaines tels que la vaccination et la nutrition ;
- en plaidant en faveur de l’allocation de plus de ressources pour les soins de santé primaires et la vaccination lors de missions de haut niveau et de réunions des organismes signataires du Plan d’action mondial pour la réalisation de l’ODD 3 avec le Gouvernement.
Un soutien supplémentaire est nécessaire pour les analyses sur la rationalisation/réorganisation des comités techniques du Ministère de la santé dans le cadre de la réforme du budget programme et des analyses
et propositions de politiques visant à améliorer le système de financement national et l’efficience des dépenses de santé.
Bien qu’elle ne soit pas encore pleinement opérationnelle, cette stratégie de collaboration en matière de financement de la santé autour des principales priorités du pays permettra en fin de compte d’améliorer
la prestation des services de santé. Par exemple, le Mécanisme mondial de financement, qui applique une méthode visant à optimiser les ressources, est chargé de recenser et de suivre les ressources afin de savoir
ce que finance chaque organisme. Cette hiérarchisation des ressources et des démarches parmi les différents partenaires permet « d’éviter les doubles emplois et, par conséquent, d’intervenir
de façon plus ciblée, ce qui permettrait à terme d’améliorer la vie de davantage de personnes », note Moussa Bizo du Bureau de l’OMS au Niger. En outre, la méthode d’optimisation des
ressources pourrait apporter des avantages supplémentaires, par exemple en permettant au Fonds mondial ou à Gavi d’investir de manière plus stratégique pour financer les services de lutte contre le VIH, la tuberculose
et le paludisme et les services de vaccination, respectivement. Comme la politique de gratuité des soins de santé couvre ces programmes, la réforme du financement contribuerait à une meilleure opérationnalisation
de l’INAM, réduisant ainsi les dépenses directes des populations pauvres et vulnérables.
Apprentissage, problèmes et perspectives
Les points focaux conjoints, intégrés au Ministère de la santé et financés de manière durable, apportent une valeur ajoutée en facilitant la coordination et l’alignement du soutien des partenaires
au Gouvernement. Cela est pertinent dans un contexte où une part considérable du financement du secteur de la santé provient de sources externes.
Malgré l’enthousiasme suscité par cette initiative ambitieuse, des difficultés demeurent. Les points focaux des organismes participant à ce partenariat sont mis à rude épreuve, ce qui pourrait avoir une incidence négative sur la pérennité de l’initiative. Il est donc important de veiller à ce que le personnel puisse y consacrer le temps nécessaire dans chacun des organismes.
Un autre problème concerne la clarification des modalités de financement à long terme du poste de point focal dans le pays, qui est l’un des piliers centraux de tous ces efforts. Le Mécanisme de financement mondial a prolongé son financement de six mois et Gavi anime actuellement des discussions sur le soutien d’autres partenaires qui souhaitent vivement améliorer la pérennité du financement de la santé au Niger.
Les enseignements tirés de ce partenariat pilote seront partagés avec d’autres pays et organismes partenaires afin de répondre à la demande de points focaux conjoints et d’un soutien plus harmonisé et mieux coordonné en matière de financement de la santé.
Qu’est-ce que le Plan d’action mondial pour la réalisation de l’ODD 3 ?
Le Plan d’action mondial pour permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous (Plan d’action mondial pour la réalisation de l’ODD 3) est un ensemble d’engagements pris par 13 organismes qui jouent un rôle clé dans la santé, le développement et l’action humanitaire pour aider les pays à progresser plus vite vers les cibles des ODD liées à la santé. La valeur ajoutée du Plan d’action mondial pour la réalisation de l’ODD 3 réside dans le renforcement de la collaboration entre organismes pour prendre des mesures conjointes et fournir un soutien plus coordonné conforme aux plans et stratégies nationaux établis et dirigés par le pays. Le Plan d’action mondial pour la réalisation de l’ODD 3 a été actualisé à l’aide d’une stratégie de reprise (octobre 2021), dans le cadre d’un relèvement équitable et durable après la pandémie de COVID-19, en vue d’atteindre les cibles des ODD liées à la santé.
L’objectif des études de cas est de suivre la mise en œuvre du Plan d’action mondial au niveau national.